Page:Gautier - La Reine de Bangalore, 1887.djvu/16

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de lianes, les feuilles aux formes singulières ; puis des perspectives se creusèrent, et, subitement, il fit clair. Alors toute la forêt se mit à chanter.

Sur les branches puissantes d’un multipliant, des paons au beau plumage apparurent, s’éveillant, avec des palpitations de prunelles devant l’éclat brusque du jour ; les uns battirent l’air de leurs ailes, d’autres se rengorgèrent en redressant l’aigrette de leur front, ou bien, joyeux de revoir la lumière, déployèrent leur queue en orbe resplendissant.

Les hurlements des fauves s’étaient tus ; les chants des oiseaux, comme des voix célestes, faisaient fuir vers leurs antres les sinistres rôdeurs. Sous chaque branche pépiait un nid ; des roucoulements, des cris d’appel, des roulades, des trilles, mille gazouillements s’élançaient de chaque touffe de feuillage. Du haut de son houdah, Bussy voyait dans les arbres ; il surprenait les oiseaux faisant leur toilette, d’un air pressé et furtif ; près de la route un bengali vint se poser sur une large fleur emplie jusqu’au bord de rosée ; il y trempa son bec et but en renversant la tête ; puis il se baigna dans la fleur, secouant ses plumes, faisant jaillir des diamants. Puis les singes, les écureuils s’éveillèrent à leur tour, bondirent légèrement de branche en branche, se laissèrent glisser le long des lianes en poussant de petits cris aigus ; des gazelles passèrent dans les fourrés, s’enfuirent avec un grand bruit de feuilles froissées.

Kerjean s’était endormi ; mais Bussy se penchait en dehors, polir mieux jouir de cette fête de l’aurore, et