Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le prince n’avait nullement songé à Fatkoura et il n’avait pas même remarqué son absence.

— Elle était malade hier, continua la princesse, mais l’annonce de votre arrivée lui a rendu la santé. Comme elle est triste depuis quelque temps, votre retour va la consoler peut-être. Vous la verrez tout à l’heure, elle est près de la Kisaki, c’est sa semaine de service. Eh bien ! vous ne dites rien ?

Le prince ne savait que dire ; en effet, le nom de Fatkoura éveillait en lui un remords et un ennui il se reprochait d’avoir inspiré de l’amour à cette femme, ou plutôt d’avoir paru répondre à celui qu’il devinait en elle. Il s’était servi de cette fausse passion comme d’un écran placé entre les regards curieux et le soleil de son véritable amour. Mais il ne se sentait plus la force de soutenir son rôle d’amant épris, et, au lieu de la compassion et de l’amitié qu’il s’efforçait de ressentir pour sa malheureuse victime, Fatkoura ne lui inspirait qu’une indifférence profonde.

L’arrivée de la Kisaki le dispensa de répondre à Iza-Farou. La reine s’avançait sous la verandah, en saluant d’un gracieux sourire ses hôtes qui mirent un genou à terre.

Comme l’on devait gravir une montagne et passer par d’étroits chemins, la Kisaki avait revêtu une robe moins ample que celle qu’elle portait d’ordinaire. Cette robe glauque était en crêpe légèrement ridé comme la surface d’un lac qui frissonne sous le vent ; une large ceinture en toile d’or serrait la taille et formait un nœud énorme sur les reins. Une branche de chrysanthème en fleur était brodée sur l’un des bouts de cette ceinture. La reine avait dans les cheveux de grandes épingles blondes finement travaillées, et au--