Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/184

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gonflée ressemblait à un croissant énorme ; l’eau, vivement refoulée, clapotait à l’avant.

— C’est pour ne pas m’éloigner d’elle, murmurait-il, que je me suis engagé dans cette aventure singulière. Je compte sur le hasard pour me fournir des occasions de servir mon prince, car si l’on me demandait d’expliquer mon plan de campagne je serais fort embarrassé. Me porter sur les points les plus périlleux, combattre avec fureur, puis m’éloigner sans m’être fait connaître, je n’ai pas d’autre but. D’après l’avis du général Yoké-Moura, cependant, une petite cohorte indépendante, survenant au milieu d’un combat, peut quelquefois faire pencher le plateau de la victoire et rendre de grands services… Je me souviens fort à propos de ceci pour justifier ma conduite, ajouta le prince en souriant.

Les cinquante barques composant la flottille étaient disséminées sur la mer ; Loo disait qu’elles avaient l’air d’un essaim de papillons près de se noyer.

Vers le milieu du jour, on se rapprocha de la côte. Soumiossi n’était plus qu’à une petite distance, Nagato voulut descendre à terre pour tâcher de recueillir de nouveaux renseignements sur l’armée ennemie.

Une petite anse abrita les barques qui abordèrent, la plupart restèrent au large, vingt hommes seulement descendirent avec le prince, ils gagnèrent une route qui passait à cent pas de la mer et s’orientèrent afin de trouver un village. Ils marchèrent quelque temps mais tout à coup, ceux qui étaient en avant et avaient déjà tourné un coude du chemin revinrent précipitamment.

— Un daïmio ! un daïmio ! criaient-ils.

— Eh bien, qu’importe, dit le prince de Nagato.

— Si nous encombrons la route, on marchera sur nous, ou bien on nous coupera la tête, dit Raïden.