Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/332

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sur un long espace, sont taillées en vastes gradins, des pièces d’artifice étaient disposées sur des radeaux : on attendait pour les allumer l’arrivée de la cour. Une foule immense, tapageuse et pleine de joie était échelonnée sur les gradins des rives et regardait la fête. Les spectateurs, les uns debout, les autres assis ou couchés, avaient tous avec eux une lanterne et participaient à l’illumination. Les tonneaux de saké ne manquaient pas : on les faisait dégringoler du haut des berges ; ils roulaient, rebondissaient au milieu des cris et des rires. Quelques-uns tombèrent à l’eau, ce fut toute une comédie pour les rattraper ; plusieurs sombrèrent ; néanmoins, tout le monde fut bientôt ivre.

Fidé-Yori assistait incognito à la fête. Il montait, avec le prince de Nagato, une barque légère peu éclairée. Deux hommes debout à l’avant la dirigeaient.

À demi couchés sur des coussins, les deux amis regardaient le va-et-vient des bateaux, silencieusement.

La voix claire des chanteuses de légendes nationales se faisait entendre, accompagnée par le biva ou le semsin. Des orchestres passaient, étouffaient, sous leurs bruyantes musiques, la douce chanson féminine. Mais, tout à coup, les pièces d’artifice éclatèrent, des fusées filèrent dans toutes les directions, des gerbes de feu s’épanouirent et laissèrent retomber des pluies d’étoiles. Une fois commencés les feux d’artifice ne s’interrompirent plus, on renouvelait les pièces à mesure qu’elles s’envolaient en fumée. C’étaient des sifflements, des pétillements, des irradiations continuels.

La barque où était Fidé-Yori croisa celle qui portait sa mère Yodogimi. La princesse, pleinement éclai-