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le collier des jours

Je vis tante Zoé traverser le trottoir, en se grattant le coin du sourcil, comme elle faisait toujours quand elle était embarrassée. Mais quand elle fut près de la voiture elle se mit à pousser des Ah ! et des Oh ! ouvrit précipitamment la portière et l’étrange vieille personne lui tomba dans les bras.

Tante Lili était venue près de moi à la fenêtre et clignait ses petits yeux myopes pour mieux voir.

— Vite ! vite ! appelle papa, lui cria tante Zoé, qui tenait un panier, dans lequel un chat miaulait éperdûment, c’est la tante d’Avignon !…

— La tante d’Avignon !…

Elle arrivait, comme cela, sans avoir prévenu, pour passer un mois avec son frère et ses nièces.

Grand-père lui fit presque une scène. Elle répondait, au milieu d’éclats de rire, dans un français semé de patois et avec un accent extraordinaire.

Les yeux écarquillés, je regardais, avec stupéfaction, cette vieille figure, anguleuse et noire, comme cuite au soleil du Midi, éclairée par les mèches blanches et les dents saines ; agréable malgré sa laideur, si gaie, si bonne aussi, et qui parlait avec une volubilité si drôle, en une langue incompréhensible.