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Page:Gautier - Le Collier des jours.djvu/139

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le collier des jours

Ce projet ne devait certainement pas plaire à mon père, mais il dut céder à ma mère, qui n’admettait pas que l’on pût faire de sérieuses objections aux décisions de sa sœur.

Cette fois, je fus prise en traître. Rien ne me fit pressentir ce qui allait m’arriver, rien, si ce n’est un peu de tristesse autour de moi, quelques phrases énigmatiques et menaçantes des tantes, et une indulgence complète. Si je m’étonnais de ne plus aller chez Mlle Lavenue, tante Lili me répondait, entre ses dents :

— Jouis de ton reste.

Ce fut tante Zoé qui m’emmena, un jour d’automne. Comme nous n’emportions aucun paquet, je pus croire à une promenade. En route, elle m’expliqua, confusément, que j’allais voir des personnes que je ne connaissais pas encore mais qui étaient de mon autre famille, l’étrangère, celle d’Italie.

— Ils auront beau faire, tu es bien une Gautier, disait-elle, nous verrons s’ils réussissent à t’attirer de leur côté. En attendant, ils te prennent de force.

Entre les parents de mon père, bourgeois sévères et conservateurs, et la famille de ma mère, composée surtout d’artistes dramatiques, à la gloire tapageuse, il ne pouvait guère exister de sympathie ; il régnait même, il faut l’avouer, parmi les femmes, une franche aver-