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le collier des jours

femme d’un certain âge, coiffée d’un tour de cheveux noirs comme de l’encre, qui lui donnait un air terrible, venait me chercher au couvent. Aussitôt arrivée passage Saulnier, ma grand’mère me faisait asseoir sur une petite chaise auprès du feu (c’était le plus souvent en hiver) et me donnait à lire un livre très ennuyeux, pour me faire tenir tranquille, disait-elle.

Je rôtissais d’un côté, ma joue devenait toute rouge, et avec des impatiences dans les jambes et des envies de crier, je n’osais pas bouger, pendant des heures. Quelquefois, j’obtenais d’aller faire le marché avec Victoire, et c’était une délivrance.

Quand la grand’mère était absente, ma seule ressource pour me distraire, était de converser avec le perroquet, le seul personnage de la maison pour qui j’eus de la sympathie.

C’était un vieil oiseau, qui en savait long, et m’enseignait complaisamment tout son répertoire. Il me reprenait très drôlement quand je me trompais, en me regardant de son petit œil malin et j’avais pour lui la plus vive admiration. J’ai appris de lui bien des refrains et, entre autres une chanson, paroles et musique, que je n’ai jamais oubliée :


« Quand je bois du vin clairet,
Tout tourne au cabaret… »