Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/138

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Koan-In m’a protégée. Vois-tu, je voulais savoir ce que tu étais devenu dans le coffre de laque, et je suis entrée dans le palais. Tout le monde était en émoi sur les terrasses et dans les galeries ; j’appris qu’on avait voulu tuer le Fils du Ciel. Je me jetai la face contre terre en entendant cette nouvelle. On disait aussi que le jeune homme arrêté n’était pas celui qui avait porté le coup sacrilège ; je m’informai de son visage et de son costume ; je reconnus qu’il s’agissait de toi, et j’appris que tu étais dans la Salle de la Sincérité. Sans être vue, je me glissai dans cette salle. Là j’ai souffert autant que toi, pauvre innocent ! je voulais me jeter aux pieds du juge pour lui demander grâce ; mais on ne m’aurait pas écoutée. J’aurais été emprisonnée peut-être et, par suite, incapable de rien faire pour toi. Lorsque je vis qu’on te jetait dans l’angle de la salle, à quelques pas de la porte du couloir condamné, je conçus un vague espoir de te sauver, et, toute tremblante, je courus détacher un bateau ; je ramai vigoureusement vers cette ouverture que je connaissais ; je te rejoignis ; et tu sais le reste.

— Tu es une bonne et charmante femme, dit Ko-Li-Tsin. Je ferai des vers à ta louange. Mais hâtons-nous de fuir, car je mourrais de chagrin si on me séparait de toi. Peut-on sortir de la Ville Rouge ?

— Il est plus aisé d’en sortir que d’y entrer, dit-elle.

Le bateau toucha le bord du lac à un point très éloigné du palais, et les fugitifs descendirent sur