Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/149

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— Et ils mordent mal, ajouta-t-il en arrachant avec ses dents la flèche, qu’il cracha aux soldats.

— Femelle d’âne ! cria le pa-tsong à celui qui avait lancé la flèche ; ne tire pas sur celui-là ; nous avons ordre de le prendre vivant. Le bourreau se chargera de lui. Mais enfonçons les portes et escaladons les murs.

Les Tigres de guerre se ruèrent sur la pagode ; des coups de hache ébranlèrent les portes en bois de fer, et les parois du monument se couvrirent de corps agiles qui, s’accrochant aux saillies des colonnes, montaient rapidement.

Ko-Li-Tsin était anxieux.

— Nous n’avons plus rien à leur jeter, disait-il.

Il regarda autour de lui : il ne vit que les colossales statues dorées des Dieux, immobiles, de loin en loin, sur des piédestaux incrustés de turquoises.

Les portes craquaient lugubrement. On entendait la respiration haletante des soldats qui approchaient. Le poète regarda les Dieux tranquilles : il semblait leur demander conseil. Tout à coup il s’élança vers l’un d’eux, et, oubliant ses blessures, le poussa violemment des mains et des genoux. Le Dieu s’inclina vers l’ennemi, lui montrant sa large face souriante, puis, bloc terrible détaché de son piédestal, s’abattit pesamment, et les corps qu’il rencontra furent aplatis sur les dalles de marbre.

— Ah ! ah ! cria Ko-Li-Tsin aux bonzes, le Ciel nous vient en aide ! Suivez mon exemple. Vous n’avez plus de pierres ? jetez des Dieux aux soldats de l’empereur.