Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/164

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Le prince posa son visage dans ses mains ; des larmes coulaient entre ses doigts.

— Non, dit Yo-Men-Li ; je reviendrai, je ferai ce que tu voudras, je t’aimerai, je serai ton esclave.

— Vraiment ? s’écria le prince, tu m’aimeras et tu reviendras vers moi ?

Il la saisit dans ses bras et l’étreignit contre sa poitrine à l’étouffer ; mais Yo-Men-Li se déroba vivement. Le prince s’appuya à la muraille, défaillant.

— Partons, dit la jeune fille.

— Jure-moi que tu reviendras ! soupira-t-il.

— Tu me reverras demain à la dixième heure ; je le jure sur les cercueils de mes ancêtres. D’abord, pensait-elle, il faut sauver Ta-Kiang.

— Attends, dit le prince, mets cette robe d’hermine sur tes épaules, car la nuit est froide ; puis je t’obéirai. Le cœur pâle de tristesse, je te conduirai où tu voudras.

Le prince fit entrer les petites mains de Yo-Men-Li dans les larges manches de la robe d’hermine, et boucla l’agrafe d’or sur la poitrine de l’enfant ; puis il alla dans une chambre voisine, qui était la Salle du Sommeil. Une ouverture ronde percée dans la muraille laissait apercevoir cette chambre, éclairée d’un jour bleuâtre. Le prince Ling reparut bientôt, suivi d’un eunuque vêtu de rouge.

— Ne crains rien, dit-il à Yo-Men-Li, cet homme est moins qu’un chien, car il est muet.

L’eunuque prit les lanternes au bec de la cigogne et ouvrit dans le mur de laque une petite porte invisible.