Aller au contenu

Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

velle, se soulevèrent en tumulte ; et l’armée poursuivit son chemin, considérablement accrue. Elle gagna le Ho-Nan, si fertile et si riant qu’on l’appelle la Fleur du Milieu ; elle se dispersa en tous sens, ravageant et pillant les cités et les villages, dévastant les plaines, changeant les lacs limpides en lacs de sang, et se rassembla devant Kai-Foung, la capitale, que bat continuellement le furieux Fleuve Jaune. Cette ville était fameuse pour ses richesses et ses splendeurs, et les révoltés hurlaient de joie sous ses murs. Mais le chef tartare qui la défendait voyant, après huit jours de résistance, ses soldats faiblir et ses remparts s’ébrécher, héroïque, brisa lui-même la digue qui maintenait le terrible Houan-Ho, et la ville fut submergée, mais non pillée, et ses trente mille défenseurs furent engloutis, mais non vaincus. Les rebelles, pleins de rage, se ruèrent sur une cité voisine ; ils imposèrent mille tortures aux vieillards, firent rôtir tout vifs les jeunes enfants, et les dévorèrent aux yeux de leurs mères, liées douloureusement à des poteaux.

Maintenant ils sont dans le Pé-Tchi-Li ; ils pourraient en deux jours atteindre la Capitale de l’Empire, mais ils s’attardent devant Sian-Hoa, qui tremble et s’affame.

Le camp s’étend comme une mer houleuse autour de la ville, dont les hautes murailles crénelées et les grands pavillons aux toits retroussés se dressent, au-dessus des tentes en nattes de bambou qui couvrent démesurément la plaine. Tournée vers la ville, accroupie comme un lynx prêt à s’élancer, l’armée