Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/259

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déchiquetée et sale, de coton jaunâtre, aux larges manches plus longues que les bras, et serrée à la taille par une corde noire. Il avait la tête et les pieds nus. Il s’appuyait sur un long rameau tortueux. Sa bouche était douce, son front était plein de pensées, ses petits yeux bridés, sans cils, jetaient un éclat tranquille. Il avait le crâne entièrement rasé. Il portait une barbe blanche, mince et pointue sous le menton et une longue touffe de poils à chaque joue.

— Salut ! noble Kang-Shi ! dit-il ; salut, magnanime empereur !

— Ô grand Sage, ta science a deviné mon nom ! dit le Fils du Ciel en saluant avec respect.

— Je ne sais pas seulement ton nom, dit le philosophe, je sais aussi que ton cœur est le plus compatissant et le meilleur de tous les cœurs de l’empire. Je sais pourquoi tes habits sont souillés, et pourquoi ton dos saigne. Je te rends grâce de m’avoir conservé cet animal ; car on peut se passer des hommes mais on a besoin d’un ami.

Le daim blanc vint mettre son mufle doux dans la main de l’empereur.

— Oui, tu as là un précieux compagnon, dit Kang-Shi en caressant les poils lisses de la bête.

— Entre dans mon humble grotte, dit le Sage, tu m’écouteras pendant quelques instants ; si le hasard t’a conduit vers moi, c’est parce que j’avais de grandes choses à te révéler.

L’empereur suivit le philosophe et entra dans la caverne. Il jeta les yeux autour de lui. L’habitation du Solitaire était d’une simplicité complète : un amas