Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/266

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Il suivait la longue Avenue du Centre. Il vit partout la même agitation. On ne s’occupait plus d’acheter ni de vendre. Les femmes, les vieillards péroraient devant les boutiques. Des enfants qui savaient à peine parler criaient : En bas les Tsings ! en haut les Mings !

Arrivé lentement au grand carrefour formé par la rencontre de la rue de Cha-Koua avec l’Avenue de l’Est, il vit que mille gens faisaient des gestes et poussaient des cris d’enthousiasme vers un homme penché en dehors de la balustrade du pont qui traverse le carrefour. Le religieux reconnut le rusé personnage qui avait lu la proclamation un instant auparavant, bien que celui-ci eût retiré ses grandes lunettes et mis une perruque blanche, qui contrastait comiquement avec son gai visage. Une jeune servante était auprès de lui.

— Oui, disait-il, à quiconque criera avec son cœur comme avec sa bouche : En haut les Mings ! en bas les Tsings ! je donnerai un liang d’or.

Il y avait des cris frénétiques et des mains impatientes tendues vers l’orateur. Il puisait alors dans un grand sac que la jeune femme tenait entrouvert, et jetait une pluie d’or sur la foule.

— Le dangereux ennemi ! dit le religieux qui se hâta de gagner la Porte de l’Aurore.

Dans la Ville Tartare l’émeute avait un autre caractère. Plusieurs maisons étaient ornées de grosses lanternes et de banderoles où ces mots luisaient en caractères d’or : La lumineuse dynastie revient, réjouissons-nous ! Les rues étaient encom-