Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/312

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« L’ombre du Dragon Impérial marche derrière Ta-Kiang, mais le miracle est révélé ! »

Ta-Kiang, à leurs cris, se releva et tourna la tête. Il vit son armée hésitante, prête à demander grâce ; il vit ses chefs, jadis si terribles, reculer, trembler, jeter leurs armes en signe de soumission. Enfin, levant les yeux, il aperçut dans le ciel des flèches ornées de banderoles blanches, signaux de détresse lancés par les rebelles des trois autres armées.

Alors le laboureur croisa les bras. Il mit le pied sur le corps immobile du jeune prince et promena autour de lui un regard si féroce que les Tartares qui s’étaient approchés pour le saisir reculèrent. Sa face était verdâtre comme celle d’un Yé-Kium ; sa bouche saignait ; une telle haine bouillonnait en lui qu’il s’étonnait de ne pas mourir empoisonné d’amertume. Il eût voulu que la terre s’effondrât, que le ciel s’éteignît ; il méprisait les hommes et détestait les dieux ; il blasphémait sa mère de l’avoir mis au monde, et si la vieille tremblante du champ de Chi-Tse-Po eût été là, son fils farouche l’eût étranglée de ses mains.

Mais tandis que ce tumulte grondait dans l’âme du laboureur, ses dents serrées ne laissaient pas échapper un soupir.

Les Tartares, peu à peu, s’étaient rassurés, et tout à coup avec mille contorsions menaçantes ils se précipitèrent sur Ta-Kiang et le garrottèrent. Dès lors la défaite fut complète. Voyant leur empereur captif, les Chinois perdirent la confiance qui les faisait invincibles. Les plus braves, croisant les bras, atten-