ceaux de têtes grimaçantes bossellaient lugubrement la place.
Kang-Shi, l’empereur magnanime, avait offert la vie aux vaincus qui voudraient lui rendre hommage, mais beaucoup refusèrent de se soumettre : on voyait tomber les têtes hautaines qui n’avaient pas voulu se courber.
Debout au milieu du carrefour, entre ses deux aides, le bourreau portait une robe jaune sous un tablier de cuir jaune ; le fourreau de son glaive était de brocart d’or, et sur sa tête chantait une cage au treillis clair pleine d’oiseaux prisonniers. Les rebelles, autour de lui, attendaient les mains liées derrière le dos, une petite plaque de bois entre les dents afin qu’ils ne pussent blasphémer l’empereur. Ils étaient rangés en bon ordre et demeuraient indifférents, tandis que, derrière eux, la foule avide et cruelle ondulait en bourdonnant. Çà et là un Tartare à l’uniforme glorieux, la pique au poing, se tenait immobile sur son cheval. Entre les dalles le sang formait des ruisseaux, des fleuves, des lacs où le ciel se reflétait, rouge.
Une à une les victimes venaient s’agenouiller devant le bourreau, qui, saisissant leurs longs cheveux, les décapitait d’un seul coup du glaive fatal appuyé extérieurement à son avant-bras. Puis il lançait au loin les têtes sanglantes, dont les lèvres, subitement tendues sur les dents, crispaient un rire atroce. Des flots de sang clair s’élançant sur le sol refoulaient les larges flaques qui s’en allaient ruisseler entre les jambes des rebelles, et