Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/58

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lentement que nous ne manquerons pas de le rejoindre, avec quelque prudence que je modère l’allure de nos chevaux. Ceci est grave. Que faire ?

Ko-Li-Tsin songea un instant, puis, se tournant vers Ta-Kiang :

— Maître glorieux, dit-il, je crains de m’être égaré ; car depuis cinq années je ne suis pas venu dans la Capitale du Nord. Si tu le permets, j’irai seul à la recherche d’une auberge, tandis que tu m’attendras avec Yo-Men-Li sous le portique obscur de ce monument, qui est, je crois, la Pagode de Koan-In.

— J’y consens, dit Ta-Kiang en se dirigeant, suivi de Yo-Men-Li, vers l’ouverture qu’avait désignée Ko-Li-Tsin. Et celui-ci, satisfait, s’éloigna vivement en pensant : Quand le cortège aura disparu je reviendrai et je leur dirai : « Allons, j’ai trouvé l’auberge. »

Ta-Kiang et Yo-Men-Li, sous le portique, dans l’ombre, se tenaient immobiles. Le lieu était noir. La jeune fille aurait eu peur si elle avait osé. Elle s’efforça de voir autour d’elle. Elle distingua un grand mur que dépassaient de sombres arbres emplis de frémissements indécis et de bruits éteints. Il lui sembla que ce mur était hostile et plein d’embûches. Si elle n’avait craint de s’exposer à quelque dure réponse, elle aurait dit à Ta-Kiang : « Allons-nous-en ! » Tout à coup elle jeta un cri parce qu’un homme était sorti de l’ombre qui le cachait.

— Ah ! qui vient là ? dit-elle.

— Un chien, je pense, dit Ta-Kiang. Non, ajouta-t-il, c’est un homme, et en voici un autre.