Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/80

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serais celui qui composerait le plus remarquable poème philosophique. Trente jours plus tard, un mandarin de seconde classe, qui a conquis ses grades au prix d’un grand nombre de liangs, envoya un poème que mon père trouva parfait, et il fut décidé que j’appartiendrais au mandarin. Mais, ayant lu moi-même le poème, je fis remarquer à mon père qu’il avait été copié textuellement dans la première partie du See-Chou, et qu’au surplus, il était écrit d’une écriture lourde et maladroite : Mon père, furieux, voulut attirer le faux poète dans un piège afin de le bâtonner honteusement. Mais, au lieu de sa face ridée, j’ai vu, quand tu es passé sous ma fenêtre, le doux visage d’un jeune homme. Prends donc cette clef, et pars vite, car avant que mon père ait le temps de reconnaître son erreur le bambou tomberait plusieurs fois sur ton dos. »

— Dis à ta maîtresse, répondit Ko-Li-Tsin, que j’assistais au dîner du vénérable gouverneur du Chen-Si, et que depuis ce jour je pense à elle avec tendresse ; dis-lui que, malgré l’insuffisance de mon talent, je m’efforcerai si ardemment que je composerai un poème digne d’elle. Maintenant, ajouta Ko-Li-Tsin, montre-moi le chemin que je dois suivre pour éviter les bambous.

La servante le prit par la main, le guida à travers plusieurs chambres obscures, et lui montra enfin une petite cour solitaire.

— Traverse cette cour, dit-elle. Dans le mur qui nous fait face, tu trouveras, à gauche, une petite porte, et tu pourras l’ouvrir avec la clef que ma maîtresse