Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/89

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une armoire des pistaches, du riz, des viandes, des graines de pastèque, des amandes salées, un vase plein de vin, disposa le tout sur une petite table et dit à Ko-Li-Tsin : « Assieds-toi et mange ». Il obéit avec un empressement peu conforme aux rites, mais qu’excusait un long jeûne.

— Maintenant, écoute, dit Yo-Men-Li. Tu te souviens que tu nous as quittés devant une pagode ? Tu étais parti depuis quelques instants à peine, quand des hommes, sortis d’un mur, entourèrent nos chevaux, puis, brusquement, nous saisirent, nous lièrent et nous emportèrent.

Ko-Li-Tsin, qui avait déjà mangé toutes les pistaches hormis une, laissa tomber la dernière, et ouvrit démesurément la bouche.

Yo-Men-Li, en souriant, poussa vers lui un plat de poulet haché ; il se remit à manger. Elle continua :

— Ta-Kiang insultait ces hommes et leur crachait au visage. Moi, toute tremblante, je regardais autour de moi avec terreur. On nous avait fait franchir plusieurs portes. Nous étions entre deux balustrades de marbre, dans une allée pavée de marbre. De chaque côté des cèdres immobiles formaient un grand mur noir. Au loin je voyais deux lions sculptés qui regardaient en arrière. On nous forçait d’avancer plus vite. Les allées se croisaient, toutes semblables. J’aperçus enfin, élevé sur une terrasse, un monument rond dont les six toits se superposaient en se rétrécissant.

— C’était la pagode de Koan-In, dit Ko-Li-Tsin la bouche pleine.