Page:Gautier - Le Dragon Impérial, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/91

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ainsi éclairé, le poète se mit à contempler avec une profonde attention le paysage peint sur la tasse qu’il n’avait pas vidée.

— Enfin, reprit Yo-Men-Li, qui détournait la tête de crainte de rencontrer le regard de Ko-Li-Tsin, je ne me souviens plus de ce qui se passa alors ; mais le Grand Bonze se retira bientôt avec les jeunes prêtres en témoignant pour notre maître du respect le plus profond.

Pour se donner une contenance, Ko-Li-Tsin avait imaginé de se mettre dans la bouche tant d’amandes salées à la fois qu’il faillit étouffer. Yo-Men-Li poursuivit :

— Une heure plus tard, les prêtres revinrent ; ils emmenèrent Ta-Kiang, et je demeurai seule dans la chapelle. Mais on ne m’y laissa que peu de temps. Un bonze vint me demander si je voulais le suivre et me conduisit avec beaucoup de politesse dans la grande salle où nous avions été introduits d’abord. L’assemblée était beaucoup moins nombreuse qu’auparavant ; je vis environ trente bonzes, et à côté du Grand Pontife un somptueux personnage qui portait une robe couleur d’or. Ta-Kiang aussi était là. Dans le coin le plus obscur du temple, sur un trône élevé, il était assis ; il portait un manteau de satin jaune qui resplendissait, et avait dans la main un sceptre de jade vert. L’un après l’autre les assistants, agenouillés, lui rendaient hommage, et le nommaient : Houang-Ti ! Je crus que j’allais mourir de joie, car je compris que nous étions tombés au milieu d’une réunion de conspirateurs, qui n’ayant