Page:Gautier - Le Japon (merveilleuses histoires), 1912.djvu/117

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— Pourquoi avez-vous fait cela ? pourquoi l’avoir accepté ?

— Ah… pour mille raisons qui me paraissent mille pièges aujourd’hui. J’avais laissé voir à ma sœur que j’aimais un des étrangers rencontrés à l’auberge des Roseaux en Fleurs ; que sais-je ? je me suis persuadée que c’était elle que tu recherchais, j’ai craint d’éveiller ses soupçons en refusant Boïtoro. Pour qu’ils soient heureux, ils doivent ignorer notre peine. Nous sommes les victimes, aussi subissons la destinée, ne devenons pas bourreaux. Ma sœur t’attend ; lui, semble m’aimer profondément. Ne leur faisons pas souffrir ce que nous souffrons. Sacrifions nos plaintes vaines à leur bonheur, puisque notre malheur à nous, est irréparable.

— Non, non… s’écria Miodjin, pourquoi seraient-ils heureux plutôt que nous ?

— Miodjin, dit-elle, aurais-tu moins de courage qu’une femme ? »

Il baissa la tête en silence, et appuya la main sur ses yeux, et après un moment, il dit :

« C’est bien, ma sœur, tu as l’âme d’un héros, je ne serais pas au-dessous de toi. Je suis au bord du gouffre sans fond où toute ma part de bonheur s’est abîmée, le faible espoir qui me restait encore vient d’y tomber à son tour. Je me soumets, ordonne : que dois-je faire ?

— Tu dois épouser ma sœur, dit Yamata en cherchant à raffermir sa voix mouillée de larmes ; tu dois