Page:Gautier - Le Japon (merveilleuses histoires), 1912.djvu/80

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fleur de prunier au nouvel an, » et la joute fut très brillante.

Mais, comment rendre, en français, ces insaisissables poèmes au charme plus fragile que l’aile de la libellule ? La muse japonaise chausse un cothurne plus étroit encore que le trop petit soulier des chinoises. Le moule, presque unique, où il faut enfermer la pensée, oblige à une concision terrible : l’outa n’a que cinq vers, qui forment, en tout, trente-et-un pieds. Traduit en prose, tout de lui s’évapore, et dans ce rythme, quelle contrainte !

Je veux essayer tout de même — en demandant grâce — de donner une idée des deux plus illustres poèmes.

Voici la traduction des vers de l’Empereur :

    L’An se lève, obscur ;
La neige voile l’aurore.
    Ciel rend nous l’azur,
Car le prunier vient d’éclore,
Et son doux parfum t’implore !

L’Impératrice Harou-Ko, qui a la réputation d’être un poète hors ligne, traita, comme il suit, le sujet imposé :

 
    Dans le parc, tout blanc,
De Tchiyoda, quelle chose,
    Le premier de l’An,
Sourit dès l’aube morose ?…
C’est la fleur du prunier rose.