semblent l’écouter, en dépit du proverbe : « La musique n’est pas faite pour l’oreille des buffles. » De ses lèvres les paroles s’égrènent ainsi :
« Sauve-toi, seigneur tigre, sauve-toi ! Malgré tes griffes, malgré tes dents terribles, ta mort est certaine. Voici l’éléphant, roi de la forêt ; écrasant les broussailles, il s’avance et va te briser les reins.
« Pauvre chèvre aux cornes gracieuses, à quoi bon fuir et bondir toute affolée ? ce tigre a faim, il faut qu’il mange.
« L’oiseau a des ailes multicolores, il vole haut, loin des embûches, et, à plein gosier, chante sa joie. Hélas ! le serpent, enroulé à l’arbre, fascine l’oiseau et l’engloutit dans sa gueule béante !
« Sous l’herbe et les feuilles mortes, à force d’être humble et petit, le vermisseau échappe à tout danger. Mais non ! du haut de l’air, l’oiseau l’a vu : il fond sur lui et le dévore.
« Seul le pasteur de buffles est assez infime et ignoré pour n’éveiller aucune convoitise !… »
Inondée de lumière et de chaleur, dans l’ardente sérénité de midi, la nature fermente et frémit. Sous l’inertie des choses la vie grouille et pullule, il y a du bruit dans le silence. Mais, dominant tout, un bourdonnement continu résonne. Le jeune pasteur, malgré lui, l’écoute.
Qu’est-ce donc ? on dirait le roulement lointain