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LE PARAVENT DE SOIE ET D´OR

lards, dans la boutique de Sang-Yong, qui vend des livres de toute espèce. »

Sang-Yong ferma les yeux pour ne pas être distrait de son rêve ; il franchit à tâtons le seuil de sa maison, encombré de volumes, et courut s’enfermer dans sa chambre, entre les quatre miroirs complaisants. Là, tout le jour, il pensa à la belle Princesse-Blanche, et quand la nuit vint, il rêva qu’il épousait la fille de l’illustre Tchin-Tchan, après avoir été lui-même nommé gouverneur de Canton.

Le lendemain, avant la dixième heure, portant sous sa robe noire son magnifique habillement jaune, faisant triomphalement sonner ses semelles sur les dalles, il partit pour le petit bois de cèdres, et sa joie était extrême. Mais So-Shé, l’Étoile-Immortelle, oubliait ce jour-là le libraire Sang-Yong.

Pour éviter les encombrements de la rue des Marchands-de-Lanternes, il avait pris par la rue des Chaudronniers ; un pli de sa robe accrocha un chaudron de fer qui pendait à la porte d’un marchand ; le chaudron roula dans la rue avec un bruit assourdissant, entraînant à sa suite une grande quantité d’ustensiles sonores. Le marchand parut sur sa porte en criant : Au voleur ! Derrière le marchand sortit un petit chien jaune clair, au nez pointu, aux oreilles droites, à la queue frisée et retroussée, qui lança un jappement aigu. Sang-Yong, effrayé déjà par le bruit des chaudrons, ne put s’empêcher, au cri du chien,