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LE FRUIT DÉFENDU

— Mais, vilaine enfant, tu sais bien que la grâce d’un criminel ne dépend pas de moi seul, dit le gouverneur.

— Bon ! bon ! nous savons bien que le Vice-Roi fait tout ce que tu veux.

— Eh bien, nous verrons, dit Tchin-Tchan en souriant.

Et il déchira le rouleau en fibres de bambous. Princesse-Blanche, très joyeuse, sauta au cou de son père et lui caressa doucement la barbe.

— Maîtresse ! maîtresse ! dit tout bas A-Tei, est-ce que vraiment j’épouserai le libraire ?

— Il le faut absolument, dit Princesse-Blanche.

— Quel bonheur ! murmura A-Tei dont le visage s’épanouit comme une pivoine au soleil levant.

La jeune servante est maintenant la plus riche marchande de Canton ; elle vend à des prix vrais les livres de toute espèce, et Sang-Yong, assis le soir, auprès d’elle, dans l’appartement intérieur, en en face d’une image de So-Shé, qui lui a rendu sa faveur, ne regrette nullement sa liberté de garçon. Il a brûlé la robe jaune qui faillit lui être si fatale, mais il conserve ses cendres dans un vase de jade précieux, car c’est à elle qu’il doit la gracieuse femme qui embellit son intérieur.