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LES SEIZE ANS DE LA PRINCESSE

l’hiver ! Hélas ! pas même de la neige pour donner l’illusion du printemps. Il me semble être une pauvre plante exilée, qui ne vit pas et ne peut mourir.

Elle ajouta avec un sourire coquet, en abaissant ses longs cils d’un air modeste :

— J’ai composé sur ce sujet un outa ; mais la poésie elle-même n’a pas pu me consoler.

D’un ton exquisement maniéré, elle récita le court poème, battant le rhythme du bout de son éventail :

L’automne en fuyant
Avec les fleurs qu’il emporte,
A fermé la porte,
M’oubliant à demi morte,
Devant l’hiver effrayant.

— Je ferai illustrer cet outa par le plus fameux peintre du royaume, dit le prince ; mais ! hélas ! je ne suis pas dieu.

Lentement, il s’éloigna, plein de soucis.

— Il est certain qu’elle ne désire que le printemps, se dit-il.

Et il s’arrêta, pour écouter la bise aigre siffler au dehors.

Déjà le jour baissait. La prochaine aurore allait donc le prendre au dépourvu.

— Le printemps ! murmurait-il en se rasseyant à la place qu’il avait quittée tout à l’heure.

Brusquement sa tristesse se changea en colère. Il fit appeler son premier ministre.