Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/170

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de basalte sur les dévots qui lui offrent des quartiers d’antilope et des bouquets de lotus. »

Ces réflexions abattaient le courage de Tahoser ; puis elle reprenait confiance et se disait que sa beauté, sa jeunesse, son amour finiraient bien par attendrir ce cœur insensible : elle serait si douce, si attentive, si dévouée, elle mettrait tant d’art et de coquetterie à sa pauvre toilette que certainement Poëri n’y résisterait pas. Alors elle se promettait de lui découvrir que l’humble servante était une fille de haut rang, possédant des esclaves, des terres et des palais, et elle s’arrangeait en rêve, après la félicité obscure, une vie de bonheur splendide et rayonnant.

« D’abord soyons belle », dit-elle en se levant et en se dirigeant vers une des pièces d’eau.

Arrivée là, elle s’agenouilla sur la margelle de pierre, lava son visage, son col et ses épaules ; l’eau agitée, dans son miroir brisé en mille morceaux, lui montrait son image confuse et tremblante, qui lui souriait comme à travers une gaze verte, et les petits poissons, voyant son ombre et croyant qu’on allait leur jeter quelques miettes, s’approchaient du bord en troupes.

Elle cueillit deux ou trois fleurs de lotus qui s’épanouissaient à la surface du bassin, en tor-