Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/205

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des lueurs rouges dans l’eau sombre du fleuve, revint en toute hâte dilater ses poumons par une longue gorgée d’air, la barque de papyrus avait repris son allure confiante, et Poëri manœuvrait l’aviron avec le flegme imperturbable des personnes allégoriques qui conduisent la bari de Maüt sur les bas-reliefs et les peintures des temples.

La rive n’était plus qu’à quelques brassées ; l’ombre prodigieuse des pylônes et des murs énormes du palais du Nord, qui ébauchait ses entassements opaques, surmontés par les pyramidions de six obélisques, à travers le bleu violâtre de la nuit, s’étalait immense et formidable sur le fleuve, et protégeait Tahoser, qui pouvait nager sans crainte d’être aperçue.

Poëri aborda un peu au-dessous du palais en descendant le Nil, et il attacha sa barque à un pieu, de façon à la retrouver pour le retour ; puis il prit son bâton de palmier et monta la rampe du quai d’un pas alerte.

La pauvre Tahoser, presque à bout de forces, suspendit ses mains crispées à la première marche de l’escalier, et sortit avec peine du fleuve ses membres ruisselants, que le contact de l’air alourdit en leur faisant sentir subitement la fati-