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Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/78

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comme le pavé d’une étuve. Les matelots dormaient dans le naos de leurs canges amarrées au quai de briques du fleuve, sûrs que personne ne les éveillerait pour passer sur l’autre rive, au quartier des Memnonia. Au plus haut du ciel tournoyaient des gypaètes dont le silence général permettait d’entendre le piaulement aigu, qui, à un autre moment du jour, se fût perdu dans la rumeur de la cité. Sur les corniches des monuments, deux ou trois ibis, une patte repliée sous le ventre, le bec enfoui dans le jabot, semblaient méditer profondément, et dessinaient leur silhouette grêle sur le bleu calciné et blanchissant qui leur servait de fond.

Cependant tout ne dormait pas dans Thèbes ; des murs d’un grand palais, dont l’entablement orné de palmettes traçait sa longue ligne droite sur le ciel enflammé, sortait comme un vague murmure de musique ; ces bouffées d’harmonie se répandaient de temps à autre à travers le tremblement diaphane de l’atmosphère, où l’œil eût pu suivre presque leurs ondulations sonores.

Étouffée par l’épaisseur des murailles, comme par une sourdine, la musique avait une douceur étrange : c’était un chant d’une volupté triste, d’une langueur exténuée, exprimant la fatigue