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le second rang du collier

entendent, que je suis interloqué… Comment dire tout ce qui vous passe par la tête, quand on a la sensation que l’on parle, peut-être, pour la postérité ? On devient gauche et affecté comme devant l’appui-tête du photographe… Et note bien que, s’il m’échappe quelque ânerie, — malgré la déférence respectueuse qu’ils ont pour moi, — ils sont tellement éperdus de réalisme qu’ils la saisiront au vol et la reproduiront de préférence, en la grossissant malgré eux… On court le risque d’apparaître aux populations sous un jour fâcheux, autant qu’inexact, car rien ne défigure, quelquefois, comme la photographie… Oui… j’ai l’impression qu’ils prennent des notes : quand on ne les regarde pas, ils doivent écrire sur leurs manchettes.

— La littérature est donc pour eux un devoir sans récréation ?

— Ils en sont possédés… Pour les plus belles fleurs, ils sont toujours d’actives abeilles, jamais des papillons… Maintenant, dis ce que tu penses de leur talent.

— Ce n’est pas très facile non plus, car il me déplaît autant qu’il me plaît.

— Explique-toi.

— Ce style si nouveau et si compliqué m’intéresse beaucoup, mais en même temps me distrait du roman. Les mots accrochent trop mon attention : je les remarque, et j’oublie de quoi l’on parle ; c’est d’ailleurs, le plus souvent, de choses