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Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/114

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le second rang du collier

et d’endurer à n’en plus finir ses jérémiades, le troublait beaucoup. Après quelques jours passés dans l’indécision, Charpentier étant revenu à la charge, ce fut l’auteur qui céda, en adoptant de conclure son roman d’une façon heureuse.

Avec un peu de mélancolie, mon père nous fit part de sa défaite, en nous assurant que, sous sa plume, cette fin-là serait aussi bonne que l’autre, dans un autre genre. Mais il sentait bien que nous ne l’approuvions pas d’avoir cédé ainsi au bourgeois, et que nous étions tristes de le voir vaincu. Pour nous consoler, il promit d’écrire, à notre intention, le dénouement primitif, — que l’on pourrait publier un jour comme variante. — Ce projet nous séduisit fort, et nous le lui rappelions souvent. Il ne se fit pas faute de nous « parler » le dénouement qu’il devait toujours écrire. Il y introduisait même des changements, des améliorations. Yolande reparaissait ; il y avait une suprême rencontre entre elle et Sigognac : lui, pareil à un spectre ; elle, toujours belle et hautaine, avec une ombre de tristesse pourtant. Tout près de la mort, Sigognac lui avouait qu’il n’avait jamais aimé qu’elle et que c’était devant ses méprisants regards qu’il avait fui, quitté le pays pour se jeter dans une vie d’aventures ; mais, comme les étoiles que l’on voit de partout, ces yeux farouches et splendides, toujours, avaient scintillé au-dessus de lui. Yolande lui laissait entrevoir qu’il y avait eu, peut-être, un peu