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le second rang du collier

organiste à Saint-Nicolas-des-Champs) ; Mme Clermont-Ganneau, qui n’était pas, elle, une ancienne connaissance, mais l’avait séduit tout de suite, par son caractère et sa beauté si nobles, et aussi par son fanatisme maternel, dont il aurait bien voulu voir, plus près de lui, une faible imitation.

Mais sa favorite était, je le crois bien, Mme Regina Lhomme. Leurs relations dataient déjà d’assez loin. Il les avait rencontrés, elle et son mari, sur un bateau à vapeur, en traversant la Manche pour aller en Angleterre, et il s’était lié avec eux.

Ils firent, de compagnie encore, une autre excursion à Londres, et, vers 1850, Théophile Gautier fut le parrain d’un de leurs fils. Peu de temps après, ils allèrent ensemble en Italie. C’est de Mme Regina Lhomme qu’il s’agit dans ce passage d’un chapitre sur Venise :

Au dessert, pendant que nous buvions une bouteille de vin de Samos, cuit et miellé comme un vin homérique, la vieille qui nous servait vint causer avec nous gaiement et familièrement, à la façon d’une hôtesse antique ; elle offrit un bouquet, arraché à la hâte dans son jardin et noué d’un brin de jonc, à la femme de l’ami qui partageait notre repas, charmante personne à la physionomie espagnole, dont le bras rond et blanc sortait du jabot de dentelles noires qui terminait sa manche.

La vieille se récria sur la beauté et la blancheur de ce bras, qu’elle baisa à plusieurs reprises avec cette grâce familière du bas peuple de Venise, dont la courtoisie respectueuse n’a rien de servile.

Mme Regina Lhomme était charmante, en effet. Brune, pâle, mignonne et de proportions exquises,