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le second rang du collier

choses à dire, que tu ne dis pas. Si tu veux, changeons d’opinion. Je vais défendre le contraire de ce que j’ai soutenu, et tu verras comment il fallait s’y prendre.

Mais cette déclaration m’exaspérait. Puisqu’il n’était pas sincère et ne me prenait pas au sérieux, je ne voulais plus discuter du tout.

Le soir, après dîner, il s’installait dans un fauteuil en tournant le dos à la lampe et lisait un journal ; presque toujours il s’endormait dessus. Il dormait là, comme dans son lit, d’un bon sommeil réparateur, que l’on se gardait bien de troubler.

Vers les onze heures, il s’éveillait très en train, prêt à soutenir, avec une verve admirable, les plus extraordinaires paradoxes : nous lui tenions tête, de notre mieux, jusqu’à minuit ou une heure. Puis des signes de lassitude se manifestaient, malgré nous ; timidement, on parlait de s’aller coucher. Alors, son indignation éclatait ; il nous traitait de marmottes, d’aïs, de loirs…

— Puisque personne ne veut m’écouter, s’écriait-il, je louerai un Auvergnat, que je paierai quarante sous l’heure. Il m’écoutera, lui, en donnant de temps en temps quelques signes d’approbation.

Nous lui faisions observer que les Auvergnats eux-mêmes dormaient, et qu’il obtiendrait surtout des ronflements comme marques d’approbation.

— Je le paierai plus cher la nuit, et j’aurai tant