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le second rang du collier

qu’il pût y adapter une phrase sentimentale et douce, mezza voce.

Théophile Gautier ne savait pas trop ce que pouvait être la « tendresse militaire » ; le sujet, le rythme de ce morceau ne l’inspiraient guère ; il eût voulu au moins ne pas signer, mais on tenait beaucoup à sa signature. Barroilhet écrivait : « Il s’agit d’accoupler heureusement le nom du grand Théo au grand nom de Rossini. » Théophile Gautier, qui n’osait pas refuser franchement, traînait l’affaire en longueur ; mais on revenait souvent à la charge, en l’accablant de reproches.

Un jour, au moment de sortir, mon père nous dit qu’il allait à Passy voir le maëstro. Théodore de Banville était venu, ce jour-là, à Neuilly ; il s’en allait aussi, et nous les reconduisions jusqu’à la porte.

Tout à coup, je dis à mon père :

— Tu sais, si tu vas voir Rossini, je ne te parlerai pas pendant un mois.

Banville, très surpris, demanda l’explication de cette bizarre menace.

— Les gluckistes et les piccinistes ! répondit le père en riant. Ces demoiselles sont devenues, depuis quelque temps, des musiciennes intransigeantes et du parti le plus classique. Elles jouent les fugues de Bach (il disait cela avec un certain orgueil) et n’admettent plus que Beethoven, Weber, Mozart et autres illustres Allemands. Le grand