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le second rang du collier

verselle, mais je n’ai jamais oublié une aventure qui m’arriva au cours d’une de mes visites dans ses galeries, à la section des beaux-arts : accoudée à la balustrade, séparant du public la muraille où sont pendus les tableaux, j’étais en contemplation devant un Gainsborough… Tout à coup, un visiteur, qui trouvait sans doute que j’avais assez vu, m’enleva par les coudes et me posa plus loin ; puis il s’accouda à ma place. Fidèle à mon principe, après le premier moment de surprise, je me mis à taper sur ce monsieur, à le tirer, avec des saccades, par les basques de sa redingote ; mais il tourna vers moi une bonne face réjouie, se cramponna à la barre de fer et ne démarra pas.

Un jour, je fis dans la ville une rencontre qui me laissa une impression ineffaçable. Nous nous promenions, ma mère, ma sœur et moi, dans un passage (je ne saurais dire lequel) quand nous vîmes, en face de nous, deux personnages très étranges, suivis par une foule de curieux. C’étaient deux Japonais, dans leur costume national. Ils feignaient de ne pas voir tout ce cortège de badauds, qui les obsédaient cependant, car ils entrèrent, pour y échapper, dans une boutique élégante où l’on vendait toutes sortes d’objets de toilette en ivoire et en écaille. Nous ne pûmes y tenir : nous entrâmes aussi dans la boutique, tandis que la foule se massait derrière les vitres.

J’étais fascinée… Ce fut là ma première rencon-