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le second rang du collier

peine, ils faisaient leurs premiers pas dans cette Europe qu’ils ne connaissaient pas du tout. On eût dit qu’autour d’eux, sans que rien s’en fût encore dispersé, flottait le parfum et comme l’atmosphère de leur fabuleux pays.

Quelle rencontre fatidique pour moi, quelle vision inoubliable ! Tout un monde inouï m’apparaissait, et une sorte d’intuition (que j’avais toujours en face des choses qui allaient me passionner) me fit l’entrevoir dans son ensemble et me révéla ses beautés spéciales.

Quand, plus tard, j’ai essayé de faire revivre le Japon féodal, dans un roman intitulé : la Sœur du Soleil, c’est toujours l’image saisissante de cet inconnu, aux allures si nobles, qui me servait de modèle pour peindre un de mes personnages, le prince de Nagato.

Qui sait si ces deux samouraïs n’étaient pas ces deux jeunes officiers, d’un prince de Nagato justement, qui, à cette époque, où le Japon était encore très fermé aux étrangers, firent, sur l’ordre de leur seigneur, un voyage d’études à travers la civilisation de l’Occident inconnu ?… Qui sait si ce n’étaient pas là, Ito Shunshé et Inouyé Bunda, qui jouèrent, depuis, et jouent encore, un rôle si éminent dans la politique de leur pays ?…

Au moment même où nous essayions, dans ce magasin, d’échanger quelques mots avec eux, tandis qu’ils maniaient de leurs doigts minces des ba-