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le second rang du collier

Rodolfo était régisseur ; il avait l’œil à tout. Un lit était dressé pour lui dans l’atelier, afin qu’il ne quittât plus Neuilly, que pour le service du théâtre : courses et commissions urgentes.

Mon père ne s’était pas trompé, ces répétitions et ces préparatifs emplissaient la maison d’une animation et d’une gaieté extrêmes. Notre frère Toto arrivait chaque matin avec Puvis de Chavannes. Ce grand artiste, si modeste, était dévoré d’inquiétude : il ne se croyait pas à la hauteur de sa tâche. Il nous fallait le rassurer, l’encourager. On le raillait même affectueusement, lui, le peintre déjà glorieux qui avait exposé la Paix et la Guerre, le Travail et le Repos, d’attaquer avec tant d’effroi le barbouillage de ses décors. Le bon Puvis riait et se mettait à l’ouvrage.

Il peignit, d’abord, une rue du vieux Paris, s’élargissant en carrefour, pour laquelle Pierrot, dans son monologue, donne quelques indications pittoresques, qui étaient suivies scrupuleusement :


Le cabaret encor rit et jase à son angle…


On voyait, au-dessus d’un rideau rouge qui flottait au vent, l’enseigne découpée représentant un pot d’étain.

De l’autre côté, le rôtisseur : À Saint-Laurent, montrait de belles flammes pétillantes, qui cui-