Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
166
le second rang du collier

phrase expressive, mais, pour que ce ne fût pas trop cher, une phrase assez courte.

— Eh bien ! lui dit Préault, après avoir réfléchi quelques instants, mettons : « Enfin ! »



Mon père raconte une histoire à propos de Rachel.

Ce n’est pas à moi qu’il la raconte et je ne devrais pas entendre. Mais j’entends tout de même.

Au foyer du Théâtre-Français, un soir, il voit la grande artiste, affalée sur une banquette, la tête baissée, regardant le plancher, de son air le plus tragique. Il la salue et lui tend la main. Elle prend cette main, qu’elle serre nerveusement et retient dans la sienne, sans lever la tête. Après quelques moments de silence, d’un geste brusque, elle écarte son péplum et promène violemment sur sa poitrine maigre, la main qu’elle serre dans ses doigts minces. Sans paraître trop surpris, Théophile Gautier constate que cette poitrine, dont on sent toutes les côtes, ressemble plus à un gril qu’à tout autre chose. Rachel lève alors sur lui un regard noir et lui dit anxieusement :

— Il n’y a rien, n’est-ce pas ?…

— Pas grand chose ! répond-il assez gêné.

Alors, la grande tragédienne, d’une voix sourde et désespérée, murmure :

— Les hommes n’aiment que les nourrices !…