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le second rang du collier

les peintres demandent à vous « pourtraire », non pas parce que l’on est beau, mais parce que l’on est célèbre…

Célèbre, il l’était, en effet, et personnellement connu, à ce qu’il semblait, par tous les passants. Quand il sortait, il était aussi fréquemment salué qu’un chef d’État. Il répondait, par de grands coups de chapeau, à des inconnus, la plupart du temps. Ce manège avait pour résultat l’usure rapide de ses couvre-chefs : le bord s’amollissait, se cassait et bientôt lui pendait sur le front. C’était là un dommage irréparable et il fallait remplacer la coiffure.

Il était accablé d’invitations, à des dîners, à des soirées, qui l’ennuyaient mortellement. Le monde officiel le sollicitait aussi et l’intéressa quelque temps. Il reçut, un jour d’été, une invitation de l’empereur et de l’impératrice, à venir passer une semaine au palais de Compiègne.

Cela nous causa un certain émoi. Il existait, sans aucun doute, un cérémonial, une tenue de rigueur. Mon père s’informa : l’après-midi, redingote noire, pantalon et gilet de fantaisie ; le soir, culotte courte et bas de soie, gilet, habit, épée et bicorne. Il n’y avait que le temps bien juste de se munir : le tailleur ne put promettre la culotte que pour le jour même du départ. Ce jour venu, on n’attendait plus qu’elle pour fermer la malle, mais la culotte n’arrivait pas. Rodolfo, qui était là, prit la voiture