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Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/23

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le second rang du collier



L’hiver s’écoulait, calme, et assez monotone pour nous.

Gil Blas de Santillane était descendu des hauteurs de l’armoire à glace ; il avait pris en grande amitié don Pierrot et le débarbouillait consciencieusement en promenant sa langue râpeuse sur la longue fourrure couleur de neige. Le bengali de la belle Virginie sautillait sans relâche en pépiant, et les nombreux canaris de la volière — qu’une amie avait donné à garder et ne reprenait plus — s’égosillaient à qui mieux mieux et emplissaient l’appartement de roulades stridentes. Cela égayait un peu le silence, et l’ennui lourd des devoirs à faire.

Très occupé, mon père était entraîné au dehors par des amis et des collègues, nous ne le voyions guère ; Mlle Huet, d’ailleurs, nous tenait le plus possible à l’écart des réunions et des visites dont il ne nous arrivait plus que de confuses rumeurs à travers les portes. Elle avait imaginé de nous conduire au catéchisme, où nous somnolions sous le flux de sévères conférences. Il fallait en faire des résumés, cependant ; mais Mlle Huet, très ferrée, quoique juive, sur l’histoire religieuse chrétienne, les rédigeait entièrement, ce qui nous valait, à chaque concours, de glorieux cachets d’argent et d’or, dont nous n’étions pas fières du tout.