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Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/234

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le second rang du collier

jours mon père ; il y pratiquait, autant qu’il le pouvait, des améliorations et des embellissements. Les murs étaient revêtus maintenant d’armoires de chêne : la partie haute formait une bibliothèque ; la partie basse, une sorte de buffet à nombreux tiroirs, larges et plats, destinés à enfermer les gravures.

Il était malheureusement un peu tard pour prendre soin de tant de publications précieuses, que le grand critique d’art avait reçues des éditeurs. La place manquait pour les conserver, les cartons ne suffisaient pas, et, avec une insouciance, traversée de quelques regrets, il avait laissé de superbes gravures s’entasser au hasard, se ternir à la poussière, se jaunir à la fumée, se maculer d’encre, et les chats en faire leur litière. Ces tardifs tiroirs en sauvèrent quelques-unes, encore intactes, et assurèrent le sort des nouvelles venues.

La question du chauffage, en hiver, prenait une grande importance : Théophile Gautier était extrêmement frileux, surtout — ce qui peut au premier abord sembler paradoxal — depuis qu’il avait séjourné en Russie. En ce pays, le froid est un danger avec lequel on ne plaisante pas : mon père en avait fait lui-même l’épreuve un jour qu’il aventurait un peu trop son visage hors du haut collet de peau d’ours. Tout à coup un passant, armé d’une poignée de neige, s’était jeté sur lui et, l’aveuglant de poussière glacée, lui avait vigoureusement frotté