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le second rang du collier

et la chambre de mon père. Quand on fermait les unes, les autres donnaient avec plus de force, et bien souvent on entendait le maître crier du seuil de sa chambre :

— Envoyez-moi de la chaleur !…

Mais c’était dans l’atelier qu’il obtenait, le plus facilement, la température de serre chaude qui lui plaisait. Il interrogeait à chaque instant son thermomètre et ne le laissait pas descendre au-dessous de 22 ou 21 degrés. Aussi on étouffait un peu et personne ne voulait rester auprès de lui.

D’ailleurs, malgré ce titre d’atelier, ce n’était pas toujours là l’endroit que Théophile Gautier choisissait pour écrire : chose extraordinaire, rien de fixe n’était installé, dans la maison, en vue de son travail ; ce lieu que tout homme, même qui ne fait rien, appelle « mon cabinet » ou « mon bureau » n’existait pas pour lui. Au moment de se mettre à l’œuvre, il cherchait le dictionnaire de Bouillet, qui, appuyé sur un autre livre, formait pupitre ; il le plaçait sur n’importe quel coin de table, puis essayait de rassembler « tout ce qu’il faut pour écrire… » L’encrier et les plumes vagabondaient ; souvent il ne trouvait pas de papier, et la bonne devait courir acheter, chez l’épicier, un cahier de papier à lettres. Il ne réclamait ni le silence, ni la solitude, aimant, au contraire, à être un peu dérangé. On allait le voir un instant, l’embrasser, le plaindre d’être forcé de travailler. Alors