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le second rang du collier

élégant : un attaché à la légation de Perse à Paris. Il nomma ensuite Edmond et Lucien Dardenne, ses deux frères, plus jeunes que lui.

Le général, dont personne ne soupçonnait le méfait, avait un air penaud et contrit qui m’eût fait rire si je n’avais pas été si fâchée, mais je gardais, de mon mieux, sur mon visage l’expression du plus profond mépris.

Cependant la barque des nouveaux venus, bord à bord avec la nôtre, faisait le même chemin que nous. Mon père avait invité Dardenne de la Grangerie et ses compagnons à visiter sa petite maison.

— Qu’est-ce que vous chantiez donc tout à l’heure ? lui demanda-t-il. La voix porte sur l’eau, cela m’a paru joli.

— C’est le général qui chantait, avec son ami, une chanson persane. Ils vont vous la redire.

L’attaché, un peu intimidé, hésitait ; le général, très empressé d’être aimable, le décida. Ils chantèrent à l’unisson une mélodie très douce. Ils donnèrent la traduction des paroles :


Au coucher du soleil, j’irai sur les remparts de la ville, où le frère de ma bien-aimée se promène quelquefois.

Je ne verrai pas la sœur, hélas ! Mais je verrai au moins le frère de la sœur…


Nous longions les bords de l’île, qui appartenait alors à quelqu’un des Rothschild. Le soleil se couchait derrière elle et la traversait de rayons ; les