Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/270

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
262
le second rang du collier

t-il ; la farce est vraiment poussée trop loin.

— Ce n’est pas une farce, personne ne se fût permis de vous la faire, dit Théophile Gautier, mais, selon toute apparence, un accident. Moi, qui ai le goût très fin et suis seul à avoir eu l’héroïsme d’avaler la drogue, je distingue, à travers ces saveurs amères, sucrées, salées, qui forment le plus horrifique mélange, celle si spéciale des asperges… On nous en a servi tout à l’heure et je devine ce qui s’est passé : par suite d’une distraction coupable, mais que peut excuser le coup de feu du service, la bonne s’est trompée et vous a apporté l’eau, dans laquelle avaient cuit les asperges, et vous l’avez versée sur votre précieux moka…

C’était bien cela, on ne put s’empêcher de rire de cette malice du hasard ; M. B… s’efforça de prendre aussi gaiement la mésaventure ; mais il voulut sa revanche. On recommença l’opération et, cette fois, le café fut, à juste titre, proclamé exquis.

On n’oublia jamais cette soirée ; on s’amusa longtemps au souvenir du café à l’eau d’asperges.



Ma mère dut partir brusquement pour Genève, appelée par une dépêche de sa sœur : la grand’mère Grisi, qui vivait auprès de Carlotta, était gravement malade.

Pendant cette absence, c’est moi qui fus chargée