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le second rang du collier

banalement carrées, il faisait clair. La plus grande simplicité y régnait : presque pas de meubles, des murs nus, le plancher pas même ciré.

Les convives arrivaient séparément, madame Victor Hugo toujours en retard : elle s’excusait en racontant qu’elle avait dû pétrir de ses blanches mains une bonne pâtée pour Leda, la levrette de Charles, qui ne confiait cette mission qu’à elle seule.

Devant une glace, elle arrangeait alors sa coiffure, et cela lui prenait beaucoup de temps. Sous son chapeau, elle avait gardé ses cheveux roulés en papillotes ; elle les déroulait maintenant, les crêpait, disposant autour de son front bombé une auréole noire. Elle avait de larges yeux très sombres, un petit nez en bec d’oiseau, le menton fin et le teint très bistré. Bonne et charmante, mais distraite, perdue comme dans une sorte de rêve, n’étant jamais à ce qu’on disait… Elle plongeait des biscuits dans son verre sans songer à les reprendre, jusqu’à ce que le verre trop plein fût incapable d’en recevoir encore, et elle ne s’apercevait qu’alors de son oubli.

Charles Hugo, grand et fort, était d’une beauté extraordinaire, avec son teint blanc, sa moustache et ses cheveux d’un noir si brillant, sa bouche fraîche et, dans ses longs cils, le rayonnement de ses yeux très ouverts et très fixes. Il parlait haut, disait des choses violentes contre le gouvernement,