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le second rang du collier

je rapporte le second fusil ; cette fois, je parviens à faire reculer quelques-unes de ces brutes.

Enfin voici M. le maire, en sabots, en blouse bleue, comme les autres, ne brandissant pas d’échalas pourtant : on va pouvoir s’expliquer avec lui. Je m’approche, mais il paraît que je lui cause une terreur extrême, car il fait un bond en arrière et crie :

— Ne me touchez pas !

Les gendarmes paraissent : on est allé les chercher à Nolay. C’est là, chez le commissaire de police, que l’on va nous conduire. Tant mieux ! Celui-là sera peut-être un peu plus civilisé.

Je dois rendre mon fusil aux gendarmes, puis nous voici défilant par le raide chemin entre les vignes, bordé de deux rangs de badauds. On se montre les principaux criminels : Pécheux, qui est vraiment fait comme un voleur, et moi qui voulais tuer le monde a coups de fusil.

— A-t-elle l’air méchant ! disent les bonnes femmes.

Le commissaire est un colosse, mais un homme du monde, heureusement. Il nous accueille en amis et se montre indigné, au récit de notre aventure : sur le procès-verbal que l’on vient de lui remettre, elle est définie : « rébellion à main armée ». Il connaît ses administrés, les habitants de ce village d’où nous venons, et les considère comme de vrais sauvages.