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le second rang du collier

pas broncher ; à la moindre frasque ils lui font couper la tête.

Il me traçait alors un tableau effroyable de malheureuses cousues vivantes dans des sacs, en compagnie de serpents, de crapauds, de scorpions, puis jetées à l’eau.

Je ne croyais guère à tout cela, ce qui ne m’empêchait pas de taquiner méchamment Mohsin en lui disant qu’il serait peut-être capable, un jour, de me faire couper la tête.

— Comment un homme de génie peut-il avoir de pareilles idées ? s’écriait-il, vraiment désolé ; comment ne devine-t-il pas qu’il ne pourra jamais confier le bonheur de son enfant à quelqu’un qui en aurait plus de soin que moi ?

Il me décrivait alors la beauté d’un voyage en traîneau à travers la Russie et la Perse, les châteaux mystérieux, les fêtes royales, les parures constellées de pierreries, tout ce pays des Mille et une Nuits, dont j’avais tant rêvé, et qui, sans doute, était ma vraie patrie.

— Vous êtes comme une plante née par hasard dans un sol étranger, me disait-il ; vous deviez être une princesse persane : ne repoussez pas l’occasion qui s’offre d’accomplir votre destinée.

Cependant je ne voulus m’engager à rien : il s’en alla, les larmes aux yeux, n’emportant aucune promesse.