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le second rang du collier

non pas miette à miette, comme cela, et jour à jour.

« Épilepsie — Catalepsie », avait coutume de dire mon père, pour définir mon caractère d’alors, qui me faisait tantôt exaltée et enthousiaste, tantôt morne, indifférente et dédaigneuse : il m’incitait, charitablement, à choisir un terme entre ces deux extrêmes. Mais je lui répondais que c’était là une idée digne d’un classique, et qu’un romantique comme lui savait bien que rien n’est plus bourgeois que le juste milieu.

Cette fois, il favorisa « l’épilepsie », en me livrant les meilleurs et les plus récents ouvrages sur l’astronomie.

Ce fut une vraie passion qu’il éveilla en moi. Il n’était plus question que de cela ; je travaillais du matin au soir ; les livres les plus arides, les plus obscurs ne me rebutaient pas, je m’acharnais à les comprendre, et bientôt je fus singulièrement renseignée sur les choses du ciel.

Mon père me fit alors cadeau d’un télescope, ce qui faillit me rendre folle de joie. C’était un bon instrument, qui permettait de voir les taches du soleil, les anneaux de Saturne, les satellites des planètes et les montagnes de la lune. Il était enfermé dans une boîte noire qui ressemblait assez à un cercueil d’enfant.

La nuit, à l’heure du lever des planètes, quand tout dormait dans la maison, je sortais de mon lit, et, avec mille précautions pour ne rien faire cra-