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le second rang du collier

Il faut maintenant une aiguille, pour percer un petit trou à chaque bout de la coquille. L’opération est longue et laborieuse, mais enfin l’œuf, resté intact, est vidé.

— On peut l’emplir d’eau, à présent

— Allons à la pompe !

Nous voilà dehors, marchant à la file, dans le petit chemin creusé par le balai à travers la neige. La pompe, empaillée à cause de la gelée, a l’air d’une ruche, au pied du mur de lierre tout engoncé d’ouate blanche. Mais l’œuf ne s’emplit pas du tout ; l’eau très froide nous inonde les mains, nous éclabousse la figure, et nous cassons la coquille pour nous venger.

Nono se baisse et pétrit une boule de neige, qu’il nous lance. C’est alors, par la cour, une course folle, qui laisse l’empreinte de nos pieds dans la neige intacte : nous nous poursuivons avec des rires, et des cris aigus quand un projectile s’écrase sur nous.

La connaissance est faite, lorsque, saupoudrés de neige, essoufflés, les mains rouges, nous rentrons dans la maison, où l’on nous appelle. Et les nouveaux venus prennent congé.

Telle fut notre première rencontre avec Clermont-Ganneau, l’illustre savant, aujourd’hui professeur au Collège de France, qui devint notre plus cher camarade et l’ami de toute la vie.