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LE COLLIER DES JOURS

et je remarquai la belle tête d’Édouard Schuré, à l’air inspiré, un peu « absent ».

L’apparition de Franz Liszt me stupéfia.

Je n’étais au courant de rien, je ne savais rien : pourquoi cette longue soutane noire ? c’était donc un prêtre ?… derrière ce visage glabre, y avait-il donc une tonsure dans ces cheveux qui tombaient droits, jusqu’aux épaules ?… Mais quels yeux de lion, quelles prunelles ardentes sous les sourcils en broussailles ! Quelle souveraine ironie dans les sinuosités de la bouche large et mince ! Dans toute cette attitude, quelle majesté tempérée de bienveillance… L’entrée de Liszt causait à l’assemblée une émotion extrême et j’étais de plus en plus surprise. Serait-ce donc un saint ?… on lui témoigne une vénération extraordinaire, les femmes surtout !… Elles s’élancent vers lui, s’agenouillent presque, lui baisent les mains, lèvent vers sa face des yeux d’extase…

Mais une femme est arrivée, en même temps, qui brusquement détourne mon attention. C’est elle, la mystérieuse beauté jadis venue du Nord, dans un tourbillon de neige, et plus blanche que la neige ; la dame aux prunelles pareilles à des violettes de Parme, celle que les poètes ont