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LE TROISIÈME RANG DU COLLIER


    traduisant la phrase parlée par une mélodie continue sans fioritures, sans ornements superflus, l’orchestre se chargeant du commentaire et soutenant de ses richesses la simplicité du dessin vocal. Nous envoyâmes de Wiesbaden au Moniteur ou à l’artiste, nous ne savons plus lequel, un article admiratif que nous terminions en nous étonnant qu’un pareil opéra si original et si neuf n’eût pas encore franchi le Rhin.

    Aussi notre surprise fut grande lorsque l’Opéra ayant monté, quelques années plus tard, ce même Tannhäuser. exécuté si facilement au Théâtre de Wiesbaden, par des chanteurs et un orchestre qui n’étaient probablement pas les premiers de l’Allemagne, on déclara cette musique impossible, folle, absurde, en dehors de toutes les conditions du théâtre, et Tannhäuser s’abîma sous un ouragan de sifflets ; on affubla, comme d’une pourpre dérisoire, la musique de Wagner de cette plaisanterie, « musique de l’avenir ». Le loustic qui l’inventa ne croyait pas dire si juste. En effet son temps est arrivé, et la musique de l’avenir est bien près d’être la musique du présent.

    La chute du Tannhäuser n’ébranla nullement notre conviction. Les critiques sont entêtés et quand ils sont en outre d’anciens poètes romantiques, ils savent fort bien que les sifflets ne tuent pas une œuvre de génie. On avait dit des vers dramatiques de Victor Hugo exactement ce qu’on disait des phrases musicales de Wagner. On leur reprochait tout simplement de n’être pas des vers et c’est aujourd’hui un lien commun d’avance que l’auteur de Ruy-Blas et de la Légende des Siècles est le plus grand métrique de notre temps.

    Mais revenons à Rienzi, qui en venant se faire jouer sur le Théâtre-Lyrique, acccomplit un ancien projet du maître. Une lettre de Wagner nous l’apprend : « écrit il y a de cela trente ans, en vue du grand opéra, Rienzi ne présente aux chanteurs aucune difficulté et n’offre au public parisien aucune des étrangetés des œuvres qui l’ont suivi : tant par son sujet que par sa forme musicale, il se rattache aux opéras depuis longtemps populaires à Paris et je crois encore que s’il est